Management Packages : et maintenant ?

Management Packages : et maintenant ?

Promulguée en février, la Loi de Finances 2025 a introduit un principe d’imposition différencié concernant les gains réalisés sur des titres acquis par des managers ou des dirigeants lorsque ce gain est « acquis en contrepartie de leurs fonctions ». Par principe, ces gains seront taxés comme des traitements et salaires ; par exception, et jusqu’à un montant maximum défini selon la performance atteinte par la société dans laquelle les managers auront investi, ils seront taxés comme des plus-values mobilières.

La notion de « contrepartie des fonctions de salarié ou de dirigeant » reprise dans la Loi de Finances 2025 fait largement écho aux décisions du Conseil d’Etat de juillet 2021, qui avaient déjà créé un petit séisme dans l’univers des LBO. En établissant un lien entre les actions souscrites par les managers dans le cadre de ce type de montages et les fonctions assumées par ces mêmes managers, le Conseil d’Etat avait contribué à créer une incertitude fiscale sur le niveau de taxation des gains réalisés lors du débouclage des LBO. Cette incertitude était notamment liée à l’absence de définition stricte permettant de relier le gain à la fonction de salarié, et la Loi de Finances 2025 n’apporte pas plus de précisions sur ce point. Néanmoins, l’esprit donné par la dernière Loi de Finances semble assez clair : alors que la structuration juridique des Management Packages mis en place depuis 2021 cherchait à tout prix à distinguer les fonctions d’investisseurs et de salariés (avec notamment un recours plus précautionneux aux clauses de bad leaver), on peut imaginer que l’Administration tienne désormais pour acquis que les managers sous LBO ont souscrit leurs titres « en contrepartie de leurs fonctions de salariés », et qu’il sera désormais plus difficile de leur accorder un statut d’investisseur pur, et donc une taxation plus réduite.

Quelles pourraient être les conséquences sur les futures opérations ? 

Les décisions du Conseil d’Etat avaient vu s’opérer un très vaste recours aux instruments gratuits, au détriment des instruments payants, afin de pouvoir bénéficier d’un cadre fiscal plus sécurisé. Les actions gratuites n’ont cependant jamais constitué un instrument de prédilection pour les fonds de private equity, qui leurs préféraient largement des outils payants permettant un alignement d’intérêts entre les investisseurs financiers et une équipe de management « skin in the game ». Il est dès lors probable que l’on retrouve un équilibre entre instruments payants et instruments gratuits dans le cadre des futurs montages.

Par ailleurs, et d’un point de vue plus financier, la nouvelle Loi de Finances pourrait donner lieu à de nombreux échanges entre évaluateurs, managers et investisseurs. En effet, l’objectif des deux derniers était jusqu’ici de mettre en place des instruments financiers avec  seuils et des montants de rétrocessions suffisamment intéressants pour motiver l’équipe dirigeante, mais sans que la valeur réelle donnée à ces instruments ne soit trop élevée : pour les outils payants, il s’agissait de limiter l’investissement en cash demandé aux managers ; pour les outils gratuits, l’objectif était de limiter le forfait social dû par la société au moment de l’acquisition des actions. Les travaux des évaluateurs pouvaient ainsi faire l’objet de vives discussions afin de trouver le bon point d’équilibre entre une valeur acceptable pour les investisseurs et managers, et une valeur qui respecte les principes d’évaluation de tels instruments et les recommandations de l’Administration Fiscale. L’introduction d’un plafond pour le traitement des gains comme plus-values mobilières pourrait cependant modifier la nature de ces débats : en asseyant ce plafond sur la valeur initiale de l’instrument (et sur l’application d’un ratio égal à 3 fois la performance globale de la société), la Loi de Finances 2025 va potentiellement rééquilibrer les débats, car les managers n’auront plus forcément intérêt à minimiser le prix d‘achat initial de leur Management Package, un prix d’achat plus élevé augmentant mécaniquement le seuil du plafond déclenchant une fiscalité plus lourde. On pourrait même assister à un désalignement d’intérêts entre les managers et la société (et donc indirectement les investisseurs) pour les instruments gratuits : les managers auront tout intérêt à ce que leurs actions gratuites soient valorisées à un niveau élevé au moment de leur acquisition, tandis que la société supportera un forfait social d’autant plus lourd que la valeur du Management Package est forte.

Plus que jamais, l’évaluation de ces instruments complexes nécessitera ainsi une bonne communication entre toutes les parties prenantes, notamment entre conseils juridiques, évaluateurs, investisseurs financiers et managers.

D’autres outils mis en avant ?

Enfin, il convient de noter que les nouvelles dispositions de la Loi de Finances 2025 excluent les régimes d’actionnariat salarié, et notamment les Fonds Communs de Placement d’Entreprise. Ces derniers restent donc préservés sur le plan fiscal, ce qui confirme la volonté du législateur de populariser leur utilisation. La Loi Pacte avait déjà largement mis en avant ce dispositif d’actionnariat salarié (notamment en diminuant le forfait social à la charge de l’employeur et en augmentant le taux de décote sur les titres proposés aux salariés), et le nombre de FCPE a augmenté de plus de 30% depuis 2019. Cet outil est ainsi de plus en plus régulièrement mis en place par les fonds de private equity lors d’opérations de LBO, car ils répondent à une volonté de partage de valeur plus large que les seuls Management Package, et permettent de créer une véritable communauté d’intérêts au sein de l’entreprise. Il est néanmoins peu probable que les nouvelles dispositions fiscales de la Loi de Finances 2025 aient un réel impact sur le recours aux FCPE, tant les objectifs de ces derniers sont intrinsèquement différents de ceux d’un Management Package souvent réduit à l’équipe dirigeante et à la rétention de quelques talents très ciblés. 

L’équipe Evaluation d’Oderis réalise plus de 100 missions par an, et accompagne ses clients sur toutes leurs problématiques de valorisation. L’équipe est particulièrement active dans l’évaluation d’outils complexes (Management Package, BSPCE, etc.), dans la mise en place de FCPE (où elle intervient à titre d’expert indépendant), et dans les évaluations à but fiscal (transmissions patrimoniales, donations, Pacte Dutreil, litiges devant l’Administration, etc.) ou comptable (Allocation de Prix d’Acquisition, tests de dépréciation, etc.).

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